Qui sont les Lulua Bashilange de Kalamba?

  • L’IDENTITÉ DES LULUA

    Extrait de De la lutte pour la libération du peuple Lulua de Mukenge Shabantu

    5. Vie culturelle

    a) Art oral

    Les Lulua adorent jongler avec les mots et prisent beaucoup l'humour. Il est parfois difficile aux non initiés de saisir le fond de la pensée ou le sens exact de certaines expressions telles que :« Wamba be, au mmushale mu makàla» littéralement «Tu causes pour rien, il est dans le charbon » c'est-à-dire qu'il est dans le vide, qu'il n'a rien saisi. Ou encore : «Bamanyi kumvua, badi bumvua musambo, bakena bumvua (badi kabayi bumvua), badi bumvua madimba ... ". Littéralement: «les connaisseurs entendent la musique et ceux qui ne le sont pas, le son des instruments ».

    Les proverbes sont l'expression concise d'une pensée ou d'une parole méritant un long développement pour en saisir toutes les nuances. Ils ponctuent discours, palabres et récits divers. L'éloquence peut aider lorsqu'on se trouve devant un problème important ou une affaire qui exige de la finesse. Le rôle évocateur des proverbes sert à tenir en haleine l'auditoire et parfois l'amener à toucher du doigt la réalité à analyser ou le cheminement d'un raisonnement. C'est donc par la magie de l'art d'user du proverbe que l'orateur peut orienter l'auditoire ou l'assemblée vers un objectif escompté à la lumière d'une expérience tirée des faits vécus par autrui.
    Admirons ensemble, pour les besoins de la cause, ce cas qui sera rendu avec une concision merveilleuse par un proverbe lulua. «Bakajika shandibu, Ndibu mue na bujike kalowi ; Bakajika, ben­dendaye usambila mbendenda balowa ».

    L’histoire tourne autour des rapports entre un père répondant au nom de Bakajika et son fils Ndibu. La coutume veut que le père marie son fils dès qu'il atteint l'âge de la maturité. Curieusement, en ce qui concerne Ndibu, le moment venu, le père tisse de toutes pièces, une histoire contre lui. En effet, chaque fois qu'il l'aperçoit en compagnie d'autres jeunes de son âge autour d'un verre de mabondo, de mapanda ou de tshibuku (Vin de palme ou du sucré local tiré de millet) ou par­fois autour de l'alcool local communément appelé «wa luenda »ou « tshitshiampa.", le père soupçonne ces autres jeunes gens de dresser son fils contre lui puisque n'étant pas marié. Il s'agit d'un réflexe de gêne que la sagesse proverbiale rend de la manière ci-dessus.

    Il y a cet autre proverbe habituellement utilisé lors des réunions ou des assemblées à caractère délibérant à savoir : «Panuapa, kapatu bualu buamba bupanga", Littéralement :« Ici-bas, aucune affaire ne peut épuiser une discussion et échouer », ce qui revient à dire : «Rien n'est impossible au monde ». En termes clairs, ce proverbe constitue une invitation aux antagonistes, lors des délibérations, à ne pas compliquer inutilement la vie par l'intransigeance ou l'irréductibilité.

    Tous ces proverbes traduisent la sagesse des Bapemba et le haut degré de leur réflexion.
    A l'occasion des événements tels que naissance, accueil ou réception des hôtes, des chefs ou à l'occasion d'événements douloureux comme le deuil, les maladies ou autre tourment de la vie, les griots poètes n'hésitent pas à extérioriser les sentiments dans l'art de la parole.

    b) Art musical

    La musique traditionnelle lulua est d'une grande richesse mélo­dique. Ceux qui ont pu fréquenter des endroits où se joue encore cette musique comme le Club 16 de la commune de Ngiri-Ngiri à Kinshasa en savent quelque chose. Chaque fois, qu'ils ont eu à y entendre la voix de Kaboya Ma1u, de Mu1amba Nshingu wa Mu1ondo, de Bukase Tshipenze ou de ces vedettes féminines aujourd'hui disparues, Kapinga et les deux Nga1u1a ... i1s n'ont pas manqué d'éprouver de profondes émotions. Emotions que soulèvent actuellement la magicienne de la chanson, Tshia1a Muana, les Bayuda du Congo ou le célèbre Lelimba et qui ne sont pas de nature à faire oublier de si tôt la valeur de cette musique à la fois mélodieuse et riche en expériences de vie.
    Au Kasaï-Occidental, on peut citer les Bukase Mufuanyoki, Nga1amu1ume Ma1undu a Madi, Bakadi, Tshi1unga kaja nkanku, Ka1emba, Tshipamba, Lukuenya et Kaboya.

    c) Arts platistiques

    Nous évoquons avec plaisir cet éloge que le frère Cornet de l'Académie des Beaux-arts a fait des statuettes 1u1ua, en bois et fonte dans son livre intitulé : L'art de l'Afrique Noire au Pays du Fleuve Congo. Cet éloge est un témoignage éloquent de la richesse et de la valeur de nos arts plastiques. En voici la teneur : «Les sculpteurs jouissent d'une grande considération et ont la réputation de détenir des secrets émanant des forces invisibles. La qualité de leurs créations est parfois exceptionnelle : certaines statuettes lulua sont à ranger parmi les chefs d'œuvre de l'art congolais ».

    Les Lu1ua ont aussi travaillé et travaillent encore la céramique, et la vannerie.

    Un autre éloge et non des moindres fait à la culture 1u1ua vient du Président Léopold Sédar Senghor. L'événement s'est produit le 16 décembre 1960 alors que nous nous trouvions à Brazzaville à l'occasion d'une conférence organisée par une dizaine des chefs d'Etats des ex­colonies françaises au sujet de la recherche de l'unité du Congo-Léopo1dville.

    Le président poète est intervenu dans une conversation qui nous avait rapproché de Paul LOMAMI TSHIBAMBA, simplement pour nous dire que dans notre pays, du point de vue artistique, les Bakuba venaient en tête suivis des Lu1ua. La fierté que l'on peut tirer d'une tella révélation, d'une telle appréciation par l'un des monuments du monde de la culture moderne est immense.
    Pour revenir à Paul LOMAMI TSHIBAMBA, nous signalons au passage que nous avions profité de notre séjour à Brazzaville pour chercher à le ramener au pays natal, au pays de son père. Mais c'était juste au moment où le même Président Senghor voulait lui confier le lancement d'un journal à dimension internationale à Dakar ou à Paris. Il est le tout premier écrivain de l'ex-Congo belge avec son ouvrage «Ngando» paru en 1948. Il est l'auteur de beaucoup d'autres ouvrages dont certains traînent encore dans les tiroirs faute de fonds pour les publier. Il est significatif que la Faculté des Lettres de l'Université de Lubumbashi lui ait dédié un numéro spécial de la revue «Sura Dji» en 1985.
    Plus près de nous, BUABUA wa KAYEMBE MALALA, avec son roman Mais le piège était de la fête, Soweto et tant d'autres auteurs comme Mgr KABONGO KANUNDOWI et BILOLO MUBABINGE, BUANA KABWE, WAFWANA Emery, LUNTUMBWE Grégoire, MULUMBA DIULU, allongent la liste des auteurs lui lulua.